Un état de conscience très peu étudié et fascinant : la lucidité ou somnambulisme magnétique.

Le somnambulisme magnétique a fait l’objet de nombreux livres et expérimentations au XIXème siècle. Il est possible de trouver des ouvrages datant de cette époque à la BNF. Voici des extraits d’un des ouvrages (à partir des scans de la bibliothèque de France) classés par thématiques.

Application du somnambulisme magnétique au diagnostic et au traitement des maladies, sa nature, ses différences avec le sommeil et les rêves

Source 😐 Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5810066z/f96.image

  • Date : 1855
  • Auteur : Louis de Séré, médecin
  • Résumé : Témoignage d’un médecin qui utilise des somnambules pour faire des diagnostiques et traitements pour ses patients. La majeure partie concerne des récits de cas de traitements. Un chapitre aborde l’histoire du magnétisme (mesmérisme) en lien avec le somnambulisme, avec le style de l’époque (manque de neutralité et emphase parfois). Il cite un rapport de l’académie des sciences qui décrit les techniques et leurs effets (voir ce rapport ici). Dans un autre chapitre, il décrit les différents types de somnambules et les techniques pour mettre les sujets dans l’état de lucidité, ainsi que les précautions à prendre. Il donne également son avis sur le fonctionnement du « fluide magnétique ». Bien noter qu’à l’époque hypnose et magnétisme se confondent. Le terme d’hypnose n’existe pas encore et on lie l’effet hypnotique à des passes magnétiques, déployant une sorte de « fluide magnétique ».

Les extraits que j’ai choisi concernent essentiellement les différents types de somnambules (personnes aptes à entrer dans cet état particulier), et les techniques employées, ainsi que les effets et précautions à prendre. Ceci dans le but de pouvoir expérimenter. Pour ceux qui ne connaissent pas bien les enjeux historiques du sujet, vous pourrez consulter le très bon livre de Bertrand Meheust, « Somnambulisme et médiumnité ».

Effets du fluide magnétique

p.174 C’est aux expériences admirables, au dévouement chaleureux et désintéressé de MM. de Puységur, Tardy de Montravel, Deleuze, qu’on doit
les premiers faits bien observés sur cet état à part du système nerveux, dont les conséquences, au point de vue de la psychologie, de la physiologie et de la thérapeutique, peuvent être d’une incalculable portée, c’est surtout un précieux et puissant moyen de plus, entre les mains du médecin intelligent et vraiment désireux d’élargir le cercle si restreint de nos moyens de guérir.

P189. Chaque somnambule a sa lucidité propre, lucidité aussi étendue, aussi variée dans ses diverses manifestations que celles de l’intelligence, mais dont la profondeur et la portée dépassent la mesure des cerveaux les plus heureusement organisés : la lucidité qui s’accompagne de la faculté merveilleuse de voir dans l’intérieur de l’organisme humain, et de retirer de cette vision admirable l’instinct des remèdes, est la plus précieuse, comme malheureusement aussi la plus rare.

Chaque organe important de l’économie éprouve un effet distinct. Si c’est le cœur qui est affecté, il y aura des nausées, un malaise indéfinissable, une anxiété très-vive, parfois de l’oppression; si ce sont les poumons, les bronches ou le larynx qui subissent cette influence, il y aura une dyspnée plus ou moins forte, une toux violente ayant lieu par quintes, accompagnées d’un sentiment d’inquiétude très-vive; quand cette action est portée à l’estomac ou aux intestins, on voit se développer des nausées, des vomissements plus ou moins fréquents, ou une véritable purgation accompagnée de coliques, de tranchées plus ou moins pénibles. Si cette action est dirigée vers l’épine dorsale, on verra apparaître des convulsions, ou un état de contraction spasmodique ; si c’est vers le cerveau, il se produira un état d’abattement, de prostration qui pourra aller jusqu’au coma profond, ou bien surgira un délire variable. Ces effets, convenablement dirigés, peuvent servir de moyens curatifs, et avoir une véritable utilité dans Un grand nombre de circonstances ; les moyens propres à produire ces effets curatifs, suivant les indications données, sont l’objet des études des magnétiseurs de profession, études qui devraient être faites par les médecins, seuls aptes à juger des indications que présentent les diverses classes de maladies.

e somnambule naturel, comme le somnambule spontané, livré à lui-même, libre d’action magnétique étrangère, se trouve complètement isolé du monde et des choses qui l’entourent, et reste soumis à la puissance inconnue, à la force aussi étonnante que singulière, qui le fait agir et penser comme un étrange et véritable monomane. La volonté se trouve suspendue dans cet état de l’âme, et ce qui le distingue  une manière très remarquable de l’état de somnambulisme artificiel ou magnétique, c’est que, dans ce dernier, la volonté et les actes même de la pensée du somnambule sont sous la direction du magnétisant, qui peut ainsi tourner les merveilleuses facultés que développe l’état somnambulique vers un but utile déterminé; ce rôle du magnétisant, quoique limité, n’en est pas moins des plus remarquables, et sert heureusement, en évitant les aberrations des sens et du cerveau propres au somnambule naturel et au somnambule spontané, à développer un état de l’âme tout spécial, dans lequel la vie et sa puissance prennent un épanouissement si large et si admirable.

Il y aurait toutefois erreur grave, méprise grossière, à penser que le magnétisant crée par son action la lucidité somnambulique; il lui donne seulement la faculté de se produire et de se déployer dans toutes les manifestations dont elle est susceptible. C’est une illusion profonde partagée malheureusement par presque tous les magnétiseurs de croire qu’ils font des somnambules ; s’ils s’étaient mieux rendu compte de la nature de l’influence qu’ils exercent sur les personnes susceptibles de la pénétration magnétique, ils auraient compris que cette influence se borne à accoutumer l’organisme du somnambule à l’absorption du fluide humain. Quand la disposition à l’état magnétique ou somnambulique n’existe pas chez un sujet, ils travailleront en vain à le faire naître.

Types de somnambules

L’état de somnambulisme magnétique ne se développe que chez les sujets qui présentent un état à part du cerveau et du système nerveux. La quantité de fluide propre à chacun devra varier comme la qualité, non-seulement d’après les aptitudes spéciales de chaque personne, mais encore d’après leur état de santé ou de maladie, et de plus selon la disposition de leur système nerveux, assujetti à être plus ou moins ébranlé par les passions et les mouvements violents et imprévus de l’âme.

P183. Le nombre des personnes qui ont du fluide magnétique et qui sont susceptibles de produire ou de subir l’influence magnétique est assez restreint ; c’est une erreur, trop accréditée chez les magnétiseurs de profession ; de penser que tout le monde à des degrés variables, est susceptible d’éprouver cette influence.

Les personnes susceptibles de lucidité dans l’état magnétique sont fort rares, et dans leur petit nombre il y à un choix à faire parmi celles dont: li lucidité est susceptible d’applications vraiment utiles. Les somnambules dont les facultés peuvent s’appliquer à l’étude des maladies, et rendre par là d’éclatants services, sont malheureusement une exception. Pour être apte à subir l’influence ou l’imprégnation magnétique, et surtout pour être lucide dans cet état, il faut être doué d’une intelligence élevée, d’Une sensibilité et d’une délicatesse spéciales du système nerveux, d’organes des sens d’une finesse de perception exquise, d’une imagination facilement et fortement impressionnable, d’une disposition cérébrale toute spéciale.et d’une quantité variable de fluide magnétique de bonne nature.

Il y a un état de l’économie assez rare, qui résume toutes ces aptitudes au suprême degré, état qui repose sur une disposition des nerfs et du cerveau toute particulière et propre seulement à quelques organisations, c’est celui de somnambulisme naturel ou essentiel.

On naît avec les dispositions au somnambulisme, on peut même naître somnambule ; mais, dans ce dernier cas, cet état n’acquiert un degré de développement bien marqué qu’après la puberté. Il est de remarque qu’une fièvre grave, une couche malheureuse, en modifiant profondément l’organisme, peuvent faire naître ce singulier état, il est plus ordinaire qu’elles le fassent disparaître.

P184. Il n’existe malheureusement pas de signe physique apparent qui puisse faire reconnaître, dans la veille normale l’état de somnambulisme ; on ne peut en constater l’existence que pendant le sommeil, pu par la magnétisation. Quand une personne livrée au plus profond sommeil s’agite, parle, puis bientôt se lève tout à coup, marche et exécute, aussi parfaitement que dans l’état de veille, une action physique ou un travail intellectuel quelconque, elle nous présente, dans l’exercice de pareils actes, le développement d’un état étrange, fort singulier, que personne ne conteste, et qui constitue le somnambulisme naturel ou essentiel.

En général, les somnambules naturels ou essentiels sont les meilleurs somnambules artificiels ou magnétiques ; il y a cependant d’autres états du système nerveux où l’action magnétique détermine le développement de la lucidité, seulement il est assez rare que dans ce cas la lucidité soit de longue durée, elle est subordonnée à la quantité variable d’agent magnétique que possèdent magnétisant et magnétisé.

Technique

Pour magnétiser un somnambule ou une personne susceptible de l’imprégnation magnétique, il faut d’abord fixer ses yeux, pendant un temps variable, et faire sur toute la tête quelques passes, qu’on promène, de haut en bas, le long du corps; pour démagnétiser, il suffit, après avoir fixé de nouveau les yeux du somnambule, de faire quelques passes divergentes sur la tête et le long du corps; tous ces actes doivent être effectués avec la volonté énergique, bien déterminée, du but que l’on se propose; car rien ne fatigue davantage un magnétisé, qu’un manque de précision et de netteté dans l’expression de la volonté des actes qu’on veut ici faire exécuter, et rien ne nuit autant au développement de la lucidité. La volonté est l’agent par excellence, les passes, les attouchements, ne sont que des moyens secondaires, quoique très-efficaces, d’aider son action d’une manière plus rapide, plus douce et plus sûre. Quand cet état est convenablement produit, il donne un sentiment de bien-être très-agréable, et dans lequel le magnétisé aime habituellement ; à exprimer qu’il se complaît. Ce bien-être peut être rapidement troublé par tous les modificateurs qui agissent sur son physique et son moral.

Dès que l’état magnétique est produit, on doit interroger le somnambule et ne le laisser jamais inactif, à moins qu’il ne demande à dormir. Ce singulier et bizarre sommeil, qui a lieu à l’état magnétique dans quelques circonstances particulières, est éminemment réparateur, si l’on doit en croire les somnambules. Ce sommeil ne peut durer plus de trois à cinq minutes, sous peine de déterminer un état de congestion du cerveau plus ou moins forte, j’ai pu constater que je sommeil qui envahit le somnambule dans l’état magnétique, renfermé dans ces étroites limites, n’a lieu, en général, qu’après une assez vive agitation ou une grande fatigue, et qu’il produit, quand il a pris fin, un état de bien-être visible et une grande netteté dans la lucidité. J’ai pu également vérifier que lorsque ce sommeil avait dépassé cinq minutes, le somnambule était lourd, inquiet, agité et peu disposé à suivre la direction de son magnétisant. Il est de toute nécessité que le magnétisant ne perde jamais de vue son magnétisé, il faut que de temps à autre il renouvelle son action magnétique, en ayant grand soin de la distribuer d’une manière égale et uniforme sur tout le corps, sous peine de rendre la lucidité incomplète et de développer des douleurs intolérables, ou la paralysie partielle des membres trop chargés. Il doit étudier avec grand soin les aptitudes diverses de son somnambule, s’assurer avec sagacité de la nature des questions qui le fatiguent par trop et les éviter, comme toute action ou expérience pour laquelle il manifeste une répugnance trop vive. Tout cela est si vrai, si important, qu’il est possible à un magnétisant prudent, attentif, qui a l’habitude de toutes ces précautions, un fluide puissant et sympathique, ainsi qu’une connaissance complète des diverses aptitudes intellectuelles de son somnambule, de le tenir dans l’état de somnambulisme pendant vingt-quatre et même quarante-huit heures. Il devra renouveler son fluide de temps en temps, diriger convenablement les questions et éviter tout ce qui serait de nature à l’agacer. À la suite de cette longue séance, que je considère comme un vrai tour de force dangereux, il en résultera un état de fatigue, de malaise, de courbature même tout à fait comparable à celui qu’éprouvent les personnes qui ont passé une ou deux nuits blanches.

Un fluide nul ou trop faible ne produit absolument rien; un fluide trop fort; au contraire; non seulement peut produire des convulsions ou un état congestionné du cerveau et des principaux organes -qui peut être fort dangereux, mais encore empêcher la lucidité de se développer, même chez un excellent somnambule.

Pour durer, l’état magnétique a besoin d’être soutenu, fortifié par le fluide du somnambule. Ainsi, tout magnétisant qui, doué d’un bon fluide, magnétise habituellement un bon somnambule naturel, reçoit de lui une plus forte proportion de fluide qu’il n’en donne, et voit par là sa puissance magnétique augmenter graduellement ; mais s’il restait un laps de temps plus ou moins long sans le magnétiser, il pourrait très-bien perdre sa vertu magnétique, parce que cet état est factice chez lui. Il n’en serait pas de même du somnambule naturel ; une interruption même longue d’action magnétique lui laisserait la faculté d’être apte à être magnétisé par une personne douée d’un bon fluide qui lui serait sympathique, car cette faculté étant naturelle chez lui, se renouvelle et s’entretient comme toute autre propriété de l’économie.

Du reste, cette puissance magnétique qu’on peut perdre par des causes, la plupart du temps ignorées, qu’on peut épuiser avec plus ou moins de rapidité, en magnétisant des personnes qui ont peu ou pas de fluide, ou qui l’ont de mauvaise nature, peut reparaître d’un moment à l’autre, après avoir été perdue pendant un temps variable, quand les conditions de la santé sont modifiées ; elle peut même acquérir de nouveau une grande force, si on rencontre un bon somnambule naturel qu’on soit à même de magnétiser.

La lucidité n’est pas, en général, susceptible de faire de grands progrès ; cependant, en faisant pénétrer le somnambule qui en est doué dans l’étude plus ou moins approfondie de la science qui fait l’objet spécial de sa lucidité, on le met à même de mieux décrire ce qu’il voit, entend, flaire, goûte ou palpe, et d’appliquer plus facilement le mot propre à chaque chose; par là les résultats sont plus clairs, plus précis pour le consultant, et le somnambule lui-même, débarrassé de la recherche des paroles propres à exprimer sa pensée, se sent moins fatigué, et il expose plus facilement ce qu’il doit dire; il arrive même, à la longue, que le somnambule qui reste renfermé dans la spécialité qui fait le caractère saillant du don qu’il a reçu voit mieux, distingue et surtout explique bien plus clairement ce qui fait l’objet de son examen.

Quand un magnétisant a le bonheur de rencontrer un bon somnambule lucide, il doit user envers lui de très-grands ménagements, le magnétiser à des intervalles d’abord assez éloignés, mais qu’il rapprochera peu à peu, au fur et à mesure qu’il verra l’économie du sujet s’habituer à son influence. Il devra se comporter envers lui comme le médecin prescrivant à son malade un remède dont l’administration exige beaucoup de prudence, le donne à des doses d’abord très-faibles, et ne l’augmente graduellement que d’après les résultats obtenus.

P182. Il est bien essentiel d’avoir toujours présent à la mémoire que la direction de cette lucidité demande de très grands ménagements, une main délicate, exercée, et des soins très attentifs, dont la nature sera indiquée au magnétisant par la disposition cérébrale du somnambule. Il est nécessaire, autant que possible, que l’action magnétique soit toujours exercée par la même personne ; c’est aujourd’hui un fait connu à Paris qu’un somnambule qui a été magnétisé par un grand nombre de personnes n’est plus bon à rien, et divague au bout d’un temps plus ou moins long. Pour que la lucidité ne courre pas le risque d’être altérée et puisse se soutenir, il est nécessaire qu’elle s’obtienne sans trop d’efforts, et surtout qu’il existe une grande sympathie entre les systèmes nerveux du magnétisé et du magnétisant.

Entrée en lucidité par la seule volonté des somnambules

Il existé des exemples positifs de somnambulisme spontané ayant lieu dans la veille, comme le somnambulisme naturel a lieu dans le sommeil ; mais ce qui est plus rare et plus extraordinaire, c’est que quelques somnambules puissent sans aide de magnétisant, en tendant outre mesure les ressorts de leur volonté, entrer, au bout d’un temps variable en état de somnambulisme, et de somnambulisme lucide. Dans ce dernier cas, par la puissance d’une volonté forte et énergique, le somnambule détermine une émanation exagérée de son propre fluide qui se porté au cerveau, en donnant naissance à cet état aussi bizarre que singulier : je n’ai vu que trois cas de cette forme insolite du somnambulisme, dont la durée était fort courte d’ailleurs; et dont la lucidité avait pour curieux caractère de s’exprimer au moyen de figures bizarres, mais saisissantes de justesse et de vérité. Une particularité plus remarquable, c’est ce souvenir de ces figures, de ces images, lequel reste gravé dans la mémoire du somnambule au sortir de cet état, qui est accompagné d’une horrible fatigue ; cette particularité me porte à penser qu’il y a là une forme insolite de l’extase, plutôt qu’un véritable état magnétique.

Somnambulisme spontané

P188. Quant aux exemples beaucoup plus nombreux de somnambulisme spontané qui ont été observés, ils ont lieu absolument comme certains accès des diverses névroses, telles que l’hystérie, la catalepsie, l’extase, dont ils représentent aussi une forme spéciale.

Précautions

Toutes les fois que le magnétisant observera chez son somnambule un état d’agacement nerveux pénible, une forte émotion de l’âme, de quelque nature qu’elle soit, ou une très grande fatigue, il devra s’abstenir de produire l’action magnétique, à moins qu’il ne se propose par là de calmer ces fâcheuses dispositions ; dans ce cas, l’état magnétique ne devra durer que le temps nécessaire pour produire l’effet voulu. En procédant avec cette sage lenteur, le magnétisant est assuré d’accoutumer le somnambule à l’action magnétique, sans trouble et sans péril ; de fortifier peu à peu cet état particulier propre à certaines organisations privilégiées, au point d’arriver à être à même de magnétiser son somnambule tous les jours et même plusieurs fois dans la journée. S’il agissait différemment, non seulement il courrait le risque l’altérer et même de détruire la lucidité, mais il s’exposerait encore à déterminer chez le magnétisé une fièvre nerveuse que rien ne pourrait arrêter. On doit veiller avec attention à ce que le somnambule ne soit pas gêné dans ses vêtements ; ses pieds doivent être à l’aise, les articulations libres ; il doit être commodément assis, et on doit lui éviter les positions pénibles et fatigantes. Il faut s’assurer qu’il n’existe aucune espèce d’odeur forte dans la pièce où l’on se trouve : un air lourd, épais, l’excès de chaleur ou de froid, les courants d’air, sont autant de circonstances qui doivent être soigneusement évitées ; elles sont de nature, comme les conversations à haute voix, ou toute espèce de bruit, à impressionner très-vivement le somnambule.

P196. On ne saurait entourer la personne qu’on soumet à l’action magnétique de précautions trop minutieuses ; on doit observer d’un œil très-attentif les manifestations de l’organisme qui se présentent; on doit veiller avec un soin religieux à ce que le cerveau, un des sens, la poitrine, la gorge, l’estomac, l’épine dorsale, ne soient pas trop chargés de fluide humain, sous peine de voir se produire des accidents graves un état de torpeur ou d’agitation convulsive devra appeler l’attention sur le cerveau ou l’épine dorsale ; l’oppression, la difficulté ou l’impossibilité de parler, devront la porter à la poitrine, au larynx ; tous ces accidents, ainsi que le hoquet, la toux, les éternuements répétés et comme convulsifs, un accès nerveux violent, demandent à être rapidement calmés, et si une action magnétique convenablement dirigée n’y parvient pas, on doit faire immédiatement cesser l’état magnétique par l’action d’une volonté calme, exempte d’émotion, mais ferme et soutenue. Pour compléter les précautions à prendre, on doit toujours tenir à sa portée de l’eau froide, de l’éther, de l’eau de menthe ou de fleur d’orange, et du sel gris, pour être en mesure, par l’administration opportune de l’un ou l’autre de ces moyens, de parer aux accidents de congestion ou de violente perturbation nerveuse qui peuvent se développer chez les magnétisés. Sorti de l’état magnétique, il sera bon que le somnambule prenne un peu de vin sucré coupé d’eau, ou une tasse de bouillon froid, pour relever la perte de forces produite ; on devra substituer à ces moyens un peu d’eau aromatisée de menthe anglaise, d’eau de fleurs d’oranger ou d’éther, s’il y a eu un peu d’agitation nerveuse.

Si un second magnétisant veut produire une action nouvelle sur le magnétisé, celui-ci est de suite très-vivement agité, la perturbation peut être telle qu’il survienne des convulsions. Le seul moyen de mettre fin à ce désordre est d’abord d’éloigner le second et malencontreux magnétisant ; le premier magnétisant doit ensuite soumettre de nouveau le magnétisé à une influence des plus énergiques, et s’il ne peut arriver à calmer assez rapidement son agitation, il doit mettre toute sa volonté à faire cesser la crise magnétique.

L’état magnétique n’est nullement un sommeil, c’est un état de veille particulière et de veille exagérée, qui, au lieu de dispenser du sommeil normal, en demande, au contraire, une plus forte dose, en raison de l’extrême fatigue cérébrale qui en est la suite. Ce tour de force ne pourrait être supporté que par un bon somnambule naturel, et je suis loin d’en conseiller l’essai. J’ai fait une fois cette longue et intéressante expérience chez un excellent somnambule, habitué depuis plusieurs années à être magnétisé plusieurs fois par jour; il en est résulté chez lui une telle fatigue, que lorsque je l’ai démagnétisé, il est resté pendant plus de vingt minutes dans un état d’hébétude indiquant un état congestionnel du cerveau, qui a été suivi d’une fièvre nerveuse, caractérisée par une agitation singulière du moral et du physique. J’ai calmé cet état, qui n’a pas été sans me donner des inquiétudes assez vives, par des bains, une nourriture très succulente, du bon vin de Bordeaux et un séjour de deux semaines à la campagne.

Explication de l’auteur sur le fonctionnement du fluide magnétique

P 175. Quand, par exemple, quelqu’un soumet à l’action magnétique une personne douée d’une organisation somnambulique prédisposée à subir son influence, le regard animé d’une volonté forte, énergique, il se produit, par la stimulation que donne cette volonté puissante, nettement et vigoureusement formulée, une émanation spéciale du sang qui est respirée par le somnambule, transmise à son cerveau, où elle provoque l’éveil de facultés particulières et sans analogues dans la vie normale. L’influence magnétique est l’action la plus puissante qu’il soit possible d’exercer sur je système nerveux, et c’est à coup sur celle qui est susceptible de développer la plus, grande variété d’effets ; cette variété tient à la différence du fluide propre à chacun, et il est exact de dire qu’il y a autant de fluides que d’individus. On a la preuve de ce fait en observant la variété d’effets que déterminent plusieurs magnétiseurs agissant sur un même somnambule.

Il devient ainsi facile de concevoir que la quantité de fluide propre à chacun devra varier comme la qualité, non-seulement d’après les aptitudes spéciales de chaque personne, mais encore d’après leur état de santé ou de maladie, et de plus selon la disposition de leur système nerveux, assujetti à être plus ou moins ébranlé par les passions et les mouvements violents et imprévus de l’âme.

La cause du somnambulisme naturel paraît tenir à un dégagement d’excès de fluide et au besoin qu’éprouve l’économie d’exercer des facultés qui ne trouvent pas le moyen ou l’occasion de se développer à l’état normal. Ce qui le prouverait, c’est que le somnambulisme naturel, le somnambulisme spontané, qui se développent, le premier pendant le sommeil, le second dans l’état de veille, sont calmés tous deux par l’action magnétique, qui a encore le mérite de provoquer l’exercice des facultés nouvelles qui constituent la lucidité, en imprimant à ces facultés la direction que Veut leur donner le magnétisant.

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