Rapport de l’Académie des sciences et de l’Académie royale de médecine de 1831 au sujet du magnétisme et du somnambulisme

Cité par Louis de Serré dans son ouvrage « Application du somnambulisme magnétique au diagnostic et au traitement des maladies, sa nature, ses différences avec le sommeil et les rêves » Source 😐 Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5810066z/f96.image 1855

Contexte du rapport.

En 1825, un jeune médecin le docteur Foissac, adressa à MM. les membres de l’Académie des sciences et de l’Académie royale de médecine un mémoire sur le magnétisme animal, dans lequel il démontrait la convenance d’une révision du jugement porté en 1784 sur la doctrine dé Mesmer par les commissaires du gouvernement. Il demanda de nommer une commission dans le but de constater la réalité des phénomènes attribués au magnétisme animal, s’offrant de mettre une somnambule à la disposition de cette commission, pour faire les expériences qu’elle jugerait convenables.

Le 13 décembre 1825, une commission de l’Académie fit son rapport à l’Académie par l’organe de M. Husson. Voici quelles en étaient les conclusions :

1° Que le jugement porté en 1784 par les commissaires chargés par le roi d’examiner le magnétisme animal ne doit en aucune manière dispenser l’Académie de l’examiner de nouveau, parce que dans les sciences un jugement quelconque n’est point une chose absolue, irrévocable;

2° Que les expériences d’après lesquelles ce jugement a été porté paraissent avoir été faites sans ensemble, sans le concours simultané et nécessaire de tous les commissaires, et avec des dispositions morales qui devaient, d’après les principes du fait qu’ils étaient chargés d’examiner, les faire complètement échouer;

 3° Que le magnétisme jugé ainsi en 1784 diffère entièrement par la théorie, les procédés et les résultats, de celui que des observateurs exacts, probes, attentifs, que des médecins éclairés, laborieux, opiniâtres ont étudié dans ces dernières années ;

 4° Qu’il est de l’honneur de la médecine française de ne pas rester en arrière des médecins allemands dans l’étude des phénomènes que les partisans éclairés et impartiaux du magnétisme annoncent être produits par ce nouvel agent;

 5° Qu’en considérant le magnétisme comme un remède secret, il est du devoir de l’Académie de l’étudier, de l’expérimenter, afin d’en enlever l’usage et la pratique aux gens tout à fait étrangers à l’art, qui abusent de ce moyen et en font un objet de lucre et de spéculation. D’après toutes ces considérations, la commission est d’avis que la section de médecine de l’Académie doit accepter la proposition de M. Foissac, et charger une commission spéciale de s’occuper de l’étude et de l’examen du magnétisme animal.

 Signé ADELON, PARISET, MARC, BOURDIN aîné; HUSSON, rapporteur.

Ce rapport fut suivi de trois séances de discussions. Enfin, après une réponse du docteur Husson à toutes les objections qui avaient été élevées, on passa au vote par voie de scrutin secret sur les conclusions du rapport, et le résultat fut, sur 60 votants, de 35 voix pour la proposition de la commission, et de 25 contre.

La commission du magnétisme fut nommée dans la séance de l’Académie du 28 février 1826. M. Husson n’en faisait pas d’abord partie ; mais, le 13 juin suivant, il fut nommé en remplacement de M. Laënnec, que sa santé força de donner sa démission.

Ce ne fut que dans les séances du 21 et du 28 juin 1831 que ce savant rapporteur put donner lecture de son travail à un auditoire nombreux et attentif, attiré par l’intérêt tout particulier du sujet et par la réputation de l’auteur.

Conclusions de ce rapport :

 1. Le contact des pouces ou des mains, les frictions ou certains gestes que l’on fait à peu de distance du corps et appelés passes, sont les moyens employés pour se mettre en rapport ou, en d’autres termes, pour transmettre l’action du magnétiseur au magnétisé.

 2. Les moyens qui sont extérieurs et visibles ne sont pas toujours nécessaires, puisque dans plusieurs occasions la volonté, la fixité du regard ont suffi pour produire les phénomènes magnétiques, même à l’insu des magnétisés.

3. Le magnétisme a agi sur des personnes de sexe et d’âge différents.

4 Le temps nécessaire pour transmettre et faire éprouver l’action magnétique a varié depuis une demi-heure jusqu’à une minute.

 5. Le magnétisme n’agit pas, en général, sur les personnes bien portantes.

 6. 11 n’agit pas non plus sur tous les malades.

 7. Il se déclare quelquefois, pendant qu’on magnétise, des effets insignifiants et fugaces que nous n’attribuons pas au magnétisme seul, tels qu’un peu d’oppression, de chaleur ou de froid, et quelques autres phénomènes nerveux dont on peut se rendre compte sans l’intervention d’un agent particulier, savoir : par l’espérance ou la crainte, la prévention et l’attente d’une chose inconnue et nouvelle, l’ennui qui résulte de la monotonie des gestes, le silence et le repos observés dans les expériences, enfin par l’imagination, qui exerce un si grand empire sur certains esprits et sur certaines organisations.

 8. Un certain nombre des effets observés nous ont paru dépendre du magnétisme seul et ne se sont pas produits sans lui. Ce sont des phénomènes physiologiques et thérapeutiques bien constatés.

 9. Les effets réels produits par le magnétisme sont très-variés : il agite les uns, calme les autres ; le plus ordinairement il cause l’accélération momentanée de la respiration et de la circulation, des mouvements convulsifs fibrillaires passagers ressemblant à des secousses électriques, un engourdissement plus ou moins profond, de l’assoupissement, de la somnolence, et, dans un petit nombre de cas, ce que les magnétiseurs appellent somnambulisme.

 10. L’existence d’un caractère unique propre à faire reconnaître dans tous les cas la réalité de l’état de somnambulisme n’a pas été constatée.

 11. Cependant, on peut conclure avec certitude que cet état existe quand il donne lieu au développement des facultés nouvelles qui ont été désignées sous le nom de clairvoyance, d’intuition, de ‘prévision intérieure, ou qu’il produit de grands changements dans l’état physiologique, comme l’insensibilité, un accroissement subit et considérable de forces, et quand cet état ne peut être rapporté à une autre cause.

 12. Comme parmi les effets attribués au somnambulisme il en est qui peuvent être simulés, le somnambulisme lui-même peut quelquefois être simulé et fournir au charlatanisme des moyens de déception. Aussi, dans l’observation de ces phénomènes qui ne se présentent encore que comme des faits isolés qu’on ne peut rattacher à aucune théorie, ce n’est que par l’examen le plus attentif, les précautions les plus sévères et par des épreuves nombreuses et variées qu’on peut échapper à l’illusion.

 13. Le sommeil provoqué avec plus ou moins de promptitude et établi à un degré plus ou moins profond est un effet réel mais non constant du magnétisme.

 14. Il nous est démontré qu’il a été provoqué dans des circonstances où les magnétisés n’ont pu voir et ont ignoré les moyens employés pour le déterminer.

 15. Lorsqu’on a fait tomber une fois une personne dans le sommeil magnétique, on n’a pas toujours besoin de recourir au contact et aux passes pour la magnétiser de nouveau. Le regard du magnétiseur, sa volonté seule, ont sur elle la même influence. Dans ce cas on peut non-seulement agir sur le magnétisé, mais encore le mettre complètement en somnambulisme et l’en faire sortir à son insu, hors de sa vue, à une certaine distance et au travers des portes fermées.

 16. Il s’opère ordinairement des changements plus ou moins remarquables dans les perceptions et les facultés des individus qui tombent en somnambulisme.

A. Quelques-uns, au milieu du bruit de conversations confuses, n’entendent que la voix de leur magnétiseur ; plusieurs répondent d’une manière précise aux questions que celui-ci ou que les personnes avec lesquelles on les a mis en rapport leur adressent ; d’autres entretiennent des conversations avec toutes les personnes qui les entourent; toutefois, il est rare qu’ils entendent ce qui se passe autour d’eux. La plupart du temps ils sont complétement étrangers au bruit extérieur et inopiné fait à leurs oreilles, tel que le retentissement de vases de cuivre : vivement frappés près d’eux, d’un meuble, etc.

 B. Les yeux sont fermés, les paupières cèdent difficilement aux efforts qu’on fait avec la main pour les ouvrir ; cette opération qui n’est pas sans douleur laisse voir je globe de l’œil convulsé ; porté vers je haut et quelquefois vers le bas de l’orbite.

 C. Quelquefois l’odorat est comme anéanti, on peut leur faire respirer l’acide muriatique ou l’ammoniaque sans qu’ils en soient incommodés, sans même qu’ils s’en doutent. Le contraire a lieu dans certains cas, et ils sont sensibles aux odeurs.

16). La plupart des somnambules que nous avons vus étaient complètement insensibles. On a pu leur chatouiller les pieds, les narines et l’angle des yeux par rapprochement d’une plume, leur pincer la peau de manière à l’ecchymoser, les piquer sous l’ongle avec des épingles enfoncées à l’improviste assez grande profondeur, sans qu’ils aient témoigné de la douleur, sans qu’ils s’en soient aperçus. Enfin, on en a vu une qui a été insensible à des opérations plus douloureuses de la chirurgie, et dont ni la figure, pi le pouls, ni la respiration, n’ont dénoté la plus légère émotion.

 17. Le magnétisme a la même intensité, il est aussi promptement ressenti à une distance de six pieds que de six pouces, et les phénomènes qu’il développe sont les mêmes dans les deux cas.

 18. L’action à distance ne paraît pouvoir s’exercer avec succès que sur des individus qui ont été déjà soumis au magnétisme.

19. Nous n’avons pas vu qu’une personne magnétisée pour la première fois tombât en somnambulisme. Ce n’a été quelquefois qu’à la huitième ou dixième séance que le somnambulisme s’est déclaré.

 2O. Nous avons constamment vu le sommeil ordinaire, qui est le repos des organes des sens, des facultés intellectuelles et des mouvements volontaires, précéder et terminer l’état de somnambulisme.

 21. Pendant qu’ils sont en somnambulisme, les magnétisés que nous avons observés conservent l’exercice des facultés qu’ils ont pendant la veille. La mémoire même paraît plus fidèle et plus étendue, puisqu’ils se souviennent de ce qui s’est passé pendant tout le temps et toutes les fois qu’ils ont été en somnambulisme.

 22. A leur réveil, ils disent avoir oublié totalement toutes les circonstances de l’état de somnambulisme et ne s’en ressouvenir jamais. Nous ne pouvons avoir à cet égard d’autre garantie que leurs déclarations.

 23. Les forces musculaires des somnambules sont quelquefois engourdies et paralysées. D’autres fois, les mouvements ne sont que gênés, et les somnambules marchent et chancellent à la manière des hommes ivres, et sans éviter, quelquefois aussi eh évitant, les obstacles qu’ils rencontrent sur leur passage. Il y a des somnambules qui conservent intact l’exercice de leurs mouvements ; on en voit même qui sont plus forts et plus agiles que dans l’état de veille.

 24. Nous avons vu deux somnambules distinguer, les yeux fermés, les objets que l’on a placés devant eux; ils ont désigné, sans les toucher, la couleur et la valeur des cartes ; ils ont lu des mots tracés à la main, ou quelques lignes de livres que l’on a ouverts au hasard. Ce phénomène a eu lieu alors même qu’avec les doigts on fermait exactement l’ouverture des paupières.

 25. Nous avons rencontré chez deux somnambules la faculté de prévoir des actes de l’organisme plus ou moins éloignés, plus ou moins compliqués. L’un d’eux a annoncé plusieurs jours, plusieurs mois d’avance, le jour, l’heure et la minute de l’invasion et du retour d’accès épileptiques ; l’autre a indiqué l’époque de sa guérison. Leurs prévisions se sont réalisées avec une exactitude remarquable. Elles ne nous ont paru s’appliquer qu’à des actes ou à des lésions de leur organisme.

 26. Nous n’avons rencontré qu’une seule somnambule qui ait indiqué les symptômes de la maladie de trois personnes avec lesquelles on l’avait mise en rapport. Nous avions cependant fait des recherches sur un assez grand nombre.

 27. Pour établir avec quelque justesse les rapports du magnétisme avec la thérapeutique, il faudrait en avoir observé les effets sur un grand nombre d’individus, et avoir fait longtemps et tous les jours des expériences sur les mêmes malades. Cela n’ayant pas eu lieu, la commission a dû se borner à dire ce qu’elle a vu dans un trop petit nombre de cas pour oser rien prononcer (le Conseil général de l’administration des hospices avait interdit à la commission de faire des expériences sur le magnétisme dans les hôpitaux de Paris).

 28. Quelques-uns des malades magnétisés n’ont ressenti aucun bien. D’autres ont éprouvé un soulagement plus ou moins marqué, à savoir : l’un, la suspension de douleurs habituelles ; l’autre, le retour des forces, un troisième, un retard de plusieurs mois dans l’apparition des accès épileptiques ; et un quatrième, la guérison complète d’une paralysie grave et ancienne.

 29. Considéré comme agent de phénomènes physiologiques, ou comme moyen thérapeutique, le magnétisme devrait trouver sa place dans le cadre des connaissances médicales, et par conséquent les médecins seuls devraient en faire et en surveiller l’emploi, ainsi que cela se pratique dans les pays du Nord.

30. La commission n’a pu vérifier, parce qu’elle n’en a pas eu l’occasion, d’autres facultés que les magnétiseurs avaient annoncé exister chez les somnambules. Mais elle a recueilli et elle communique des faits assez importants pour qu’elle pense que l’Académie devrait encourager les recherches sur le magnétisme, comme une branche très curieuse de psychologie et d’histoire naturelle,

Ont signé : BOURDOIS DE LA MOTTE, président ; FOURQUIER-, GUÉNEAU DE MUSSY, GUERSANT, ITARD, J. LEROUX, MARC, THILLAYE, HUSSON, rapporteur.

 Nota; MM. Double et Magendie, n’ayant point assisté aux expériences, n’ont pas cru devoir signer le rapport.

L’auteur cite p.140 également les travaux d’autres pays :

Les gouvernements étrangers, ceux du Nord particulièrement, ne sanctionnèrent pas le jugement de la commission française de 1784. On voit en 1815 l’empereur de Russie nommer une commission de médecins, qui déclara que le magnétisme est un agent très important; qui ne doit être mis en œuvre que par des médecins instruits. Un arrêté du Collège de santé du Danemark, du 21 décembre1816, et une ordonnance
du;l4 janvier 1817 statuent dé la même manière. Il en est de même d’une ordonnance royale rendue en Prusse le 7 février 1817. Enfin on a vu par mon mémoire qu’un concours sur le magnétisme animal avait été ouvert devant l’Académie des sciences de Berlin, par un ordre du cabinet de Prusse.

One Comment to “Rapport de l’Académie des sciences et de l’Académie royale de médecine de 1831 au sujet du magnétisme et du somnambulisme”

  1. […] Il cite un rapport de l’académie des sciences qui décrit les techniques et leurs effets (voir ce rapport ici). Dans un autre chapitre, il décrit les différents types de somnambules et les techniques pour […]

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